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[ 1036 ] Pas de prorogation pour les délais d’opposition des TUP - Prorogation pour ceux des cessions de fonds de commerce

L’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 prévoit une prorogation des délais pour :

- « tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d`office, application d`un régime particulier, non avenu ou déchéance d`un droit quelconque. »

- qui aurait dû être accompli pendant la « période juridiquement protégée » (période d’état d’urgence sanitaire + 1 mois), soit entre le 12 mars et le 24 juin 2020.

La prorogation des délais prévue par l’ordonnance est-elle applicable aux délais d’opposition des créanciers prévus en droit des sociétés ?

La Chancellerie a apporté une réponse pour les délais d’opposition des créanciers des dissolutions par transmission universelle du patrimoine et des cessions de fonds de commerce.

 

Délais en matière de dissolution par transmission universelle du patrimoine (TUP)

Les créanciers pourront valablement former opposition dans le délai de trente jours suivant la fin de la période juridiquement protégée. Mais, il ne s’agit pas d’une prorogation des délais d’opposition.

L’issue du délai d’opposition et donc la réalisation de la TUP ne sont pas reportés.

I. Le droit d’opposition des créanciers


- L’opposition des créanciers se traduit par une action en justice. Elle est enfermée dans un délai de 30 jours à compter de la publication de la décision de dissolution.

Ce délai est prévu à peine de forclusion : l’opposition ne sera plus recevable après l’expiration du délai pour agir.

- Les conditions d’application du premier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 sont donc remplies.

Le droit d’opposition des créanciers en matière de transmission universelle de patrimoine bénéficie donc du mécanisme prévu par cette disposition.

- Ce mécanisme ne conduit pas pour autant à suspendre le délai d’opposition, de sorte que le créancier peut valablement former son opposition pendant le délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution, y compris lorsque ce délai de trente jours expire pendant la période de protection juridique.

Toutefois, dans cette même hypothèse, s’il forme son opposition dans le délai de trente jours suivant la fin de la période juridiquement protégée, cette opposition sera réputée faite à temps.

 

II. La réalisation de la transmission universelle de patrimoine

 

Il résulte de l’art. 1844- 5 al. 3 du code civil que « La transmission du patrimoine n`est réalisée et il n`y a disparition de la personne morale qu`à l`issue du délai d`opposition ou, le cas échéant, lorsque l`opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées. »

- La date de réalisation de la transmission du patrimoine ne correspond pas à un « acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement » au sens de l’article 2 de l’ordonnance n°2020-306.

La transmission universelle de patrimoine et la disparition de la personnalité morale sont automatiques : aucun acte n`est nécessaire pour constater cet état ; il s’agit uniquement d’un effet des actions qui ont été accomplies antérieurement (décision de dissolution et publication de cette décision notamment).

Le mécanisme de l’article 2 ne s’applique donc pas à la réalisation de la transmission universelle de patrimoine.

- Par ailleurs, « l’issue du délai d’opposition », événement qui sert de référence pour déterminer la date de réalisation de la transmission du patrimoine, n’est pas modifiée par la solution exposée en I concernant la validité d’une opposition des créanciers formée après l’expiration du délai de trente jours.

Cette solution, qui permet seulement de déclarer valable une opposition faite hors délai, ne correspond pas, en effet, à une prorogation de délai.

Par conséquent, « l’issue du délai d’opposition » n’est pas modifiée.

La solution retenue pour le droit d’opposition ne conduit donc pas à décaler la date de réalisation de la transmission universelle de patrimoine.

- En conséquence :

La transmission universelle de patrimoine est réalisée à l’issue du délai de trente jours suivant la publication de la décision de dissolution ou, si une opposition a été formée dans ce délai, lorsque cette opposition est rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées.

Sous réserve de l’appréciation des juridictions, il semble que le créancier qui souhaiterait bénéficier de l’article 2 précité, et qui formerait opposition à la dissolution alors que la transmission universelle de patrimoine aurait déjà produit effet, pourra faire valoir ses droits auprès de l’associé unique.

En effet la société initialement débitrice a perdu sa personnalité juridique et transmet l’intégralité de son passif et de son actif à l’associé unique. Il pourra solliciter le remboursement anticipé de sa créance ou la constitution de garanties par la société absorbante (l’associé unique).


Délais en matière de cession de fonds de commerce

Le délai de 15 jours pour la publication de l’annonce légale et du BODACC est maintenu.

En revanche, le créancier pourra valablement former opposition dans le délai de dix jours après la fin de la période juridiquement protégée.

 

I.  Le délai de publicité de la cession d’un fonds de commerce – L.141-12 c.com.

 

L’article L.141-12 c.com. prescrit que l’acquéreur d’un fonds de commerce doit procéder à une double publication de la vente dans les 15 jours de sa date :

- sur un support habilité à recevoir des annonces légales dans le département dans lequel le fonds est exploité,

- au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC).

 

Toutefois, aucune des sanctions mentionnées par l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25mars 2020 n’est prévue en cas de non-respect de ces délais.

En conséquence, l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 n’est pas applicable au délai de l’article L.141-12 c.com.

 

II. Le délai pour verser le prix de vente entre les mains du vendeur – L.141-17c.com.

 

L’article L.141-14 c.com. prévoit que dans les dix jours qui suivent la dernière des deux publications prévues après la vente d’un fonds de commerce (voir ci-dessus), tout créancier du précédent propriétaire peut former au domicile élu de l’acquéreur, par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec demande d’avis de réception (LRAR), opposition au versement du prix de vente entre les mains du vendeur.

 

L’article L.141-17 dispose que l’acquéreur qui paie son vendeur avant l’expiration de ce délai de dix jours n’est pas libéré à l’égard des tiers.

 

Le délai de dix jours pour faire opposition entre bien dans le champ de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 et il bénéficie donc de la prorogation prévue.

 

En revanche, ce délai n’est pas suspendu, ce qui signifie d’une part, que le créancier peut faire opposition sans attendre la fin de la période juridiquement protégée, et que d’autre part, l’acquéreur peut verser le prix de vente entre les mains du vendeur dès lors que le délai de dix jours est écoulé.

 

Ainsi, le créancier pourra valablement former opposition dans le délai de dix jours après la fin de la période juridiquement protégée mais il ne pourra pas récupérer le prix de vente entre les mains de l’acquéreur, ce dernier étant libéré à son égard s’il a payé le vendeur dans le délai de dix jours à compter de la dernière des deux publications de la cession de fonds de commerce.

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