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[ 962 ] Une décision de prorogation intervenue après le terme de la durée avec effet rétroactif est-elle valable ?

Un GAEC (groupement agricole d`exploitation en commun) a été constitué à compter du 21 avril 1972 pour une durée initiale de sept ans, soit jusqu`au 21 avril 1979. Plusieurs délibérations d`assemblée générale ont décidé d`en proroger le terme, la dernière jusqu`au 21 avril 2004.

Une assemblée générale du 14 décembre 2005, l`a prorogé pour 50 ans à compter rétroactivement du 21 avril 2004, soit jusqu`au 21 avril 2054.

En 2012, pour contester la validité du congé d’un bail par le propriétaire, le GAEC a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux. Le propriétaire a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du GAEC, considérant que le GAEC était dissous de plein droit par la survenance du terme, le 21 avril 2004, et qu’il n`avait pu être valablement prorogé par la délibération du 14 décembre 2005.

La Cour d’appel a jugé que le GAEC était recevable à agir en justice.

Certes, les formalités nécessaires à la prorogation de la durée de cette société ont été accomplies le 14 décembre 2005 après la survenance du terme.

Mais, le GAEC a continué à exploiter les terres après l’expiration de sa durée, ce qui témoigne indiscutablement du maintien de l`activité de la société et de l`affectio societatis.

L`arrêt en déduit que le GAEC a été prorogé tacitement entre le 21 avril 2004 et le 14 décembre 2005 et que, n`ayant pas été dissous, il a pu valablement être prorogé par la délibération du 14 décembre 2005.

Par un arrêt du 13 septembre 2017, la Cour de cassation a considéré qu’en l`absence de toute prorogation expresse, décidée dans les formes légales ou statutaires, le GAEC a été dissous de plein droit par la survenance du terme, le 21 avril 2004.

En conséquence, le GAEC n`a pu être valablement prorogé par la délibération du 14 décembre 2005.

La personnalité morale ne subsistant que pour les besoins de la liquidation, la société a perdu sa capacité à ester en justice.

Prorogation de la durée : modalités et formalités à respecter

L`arrêt de la Cour de cassation est transposable à toutes les sociétés.

La décision de prorogation doit respecter les dispositions légales et statutaires.

L’article1844-6 du code civil prévoit qu’un an au moins avant la date d`expiration de la société, les associés doivent être consultés à l`effet de décider si la société doit être prorogée.

Les statuts doivent être modifiés.

L’assemblée générale décidant la prorogation doit être enregistrée (375 euros ou 500 euros si le capital social dépasse 225 000 euros), publiée dans un journal d’annonces légales et déposée au RCS aux fins d’inscription modificative.

Conséquences de l’expiration de la durée de la société et formalités à accomplir

Dès la survenance du terme de la durée de la société, si aucune décision de prorogation n’a été prise, la société est dissoute de plein droit (article1844-7 du code civil).

Le maintien de l’activité n’entraîne pas une prorogation tacite.

Il n’est pas possible de proroger la durée de la société après son expiration, avec une date d’effet rétroactif.

Les associés doivent constater la dissolution de plein droit de la société et désigner un liquidateur.

L’assemblée générale constatant la dissolution de plein droit doit être enregistrée (375 euros ou 500 euros si le capital social dépasse 225 000 euros), publiée dans un journal d’annonces légales et déposée au RCS aux fins d’inscription modificative.

A NOTER : une proposition de loi de simplification, de clarification et d`actualisation du droit des sociétés, actuellement en cours de discussion au parlement, prévoit, en cas d`absence de décision de prorogation à l`expiration de la durée, la possibilité d`une régularisation dans un délai de 3 mois par décision du président du tribunal statuant sur requête.


Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 septembre 2017, N°16-12.479